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rap français

  • Ali est opérationnel

    "Pas après pas, mon destin m'appelle, coranique,

    page après page, mon âme s'apaise. 41,37 (soleil levant)"

     

    Le rap français a subi une évolution ces dix dernières années. A quatre-vingt pour cent, il est devenu un vecteur de communication de l'Islam de France, de Medine à Akhenaton, de Kery James à Rohff, en passant par Soprano, Diams ou encore la Sexion d'assaut, pour ne citer que les plus gros vendeurs.

     A titre ethnologique, on peut dès lors dessiner une représentation , dans sa disparité, des valeurs que véhicule l'Islam au sein de sa communauté, soit un mix entre lois de la rue (la mentale) et lois coraniques, jusqu'à preuves du contraire.

     

    Or justement et enfin, oserais-je dire, une voix s'élève dans le conformisme et statu quo de ce que n'est pas l'Islam véritable. Là où Kery James, le repenti et autoproclamé "sage de la cité" avait failli, comme rattrapé par ses vieux démons (laissons-lui néanmoins le temps d'approfondiir sa foi...), Ali a réussi à pondre l'album-témoignage que tout croyant sincère attendait.

     D'Ali, l'histoire retiendra qu'il fut dans l'ombre de Booba. Au début des années 90 en effet, alors que les médias et l'industrie du disque focalisent sur IAM, NTM et MC Solaar, un groupe qui évolue en indépendant, Lunatic, réussit la prouesse d'être disque d'or (plus de 100 000 ventes) avec l'album "mauvais oeil", sans grands renforts marketing.

    Un duo de choc formé par Ali le croyant et Booba le mauvais garçon, lequel deviendra, 15 ans plus tard, le plus gros vendeur de disques en France, tous styles confondus.

     A la différence de son ex accolyte, tant désormais un monde les sépare, Ali n'est pas prolixe et plutôt discret dans le paysage musical français. Il sort ces jours-ci son deuxiéme album solo – le rassemblement – cinq ans après "chaos et harmonie", alors que Booba est à son cinquième au compteur, avec une grosse sortie tous les deux ans.

     Pourtant, les vrais savent que Booba n'est en vérité que l'ombre d'Ali, prétentieux, haineux, mégalo, prédateur, opportuniste...la liste est longue !

     

    Mais revenons-en à cette pépite intemporelle et lumineuse qu'est "le rassemblement", sorti à temps, comme pour donner l'heure, dans un monde en perte de repères célestes.

     

    Alors que Rockin Squat prépare vraisemblablement un "album chamanique", il n'existait pas encore, en France, d'album à proprement parler "coranique", c'est à dire profondément religieux.

    On savait Ali pratiquant, musulman engagé, qui apparaissait plutôt virulent dans un clip tourné en Palestine (Lamentation) en compagnie de son accolyte Keydj, sur une compilation de son label 45 scientific.

     On le découvrait chercheur, interessé par la Bible et les philosophies orientales dans son premier opus "chaos et harmonie". Un album où il posait capuché, le regard ténébreux et qui était à l'image du magma qu'il abritait en son cortex. Un album sombre avec quelques éclaircies, une période un peu trouble, en quête de réponses, une photographie instantanée d'un cheminement balisé de doutes.

    "Du chaos et de l'harmonie j'ai fait la contemplation, place à l'action ! Le rassemblement pour destination" (Opérationnel) 

    On le retrouve cinq ans plus tard apaisé, serein, portant un regard émerveillé et amoureux sur le monde qui l'entoure, preuve par l'image prise au milieu de quelques frères, en page 2 du livret, le regard nimbé d'amour. D'Amour, il en est d'ailleurs question dans chacune des 14 chansons, pour soi, le prochain, la terre mais aussi et surtout pour le Créateur (gratitude).

     "Pas apres pas je perçois le message.

    La vie est faite pour aimer pleinement, intensement, grandement."

    (Gratitude)

     

    Ali a désormais rendu les armes, parle de paix et de fraternité, dans l'ouverture du coeur.

    A l'écoute de l'album, les raisons semblent être multiples : la pratique des arts martiaux, le nouveau tatut de père de famille, mais surtout la grâce accordée aux endurants et persévérants, dans la voie coranique :

     

    "Ô Maître ! Mon âme a pleuré, abreuvé mon être, irrigué le désert qui m'empechait d'apercevoir au-delà de ma fenêtre.

    La paix penetre, efface les mirages et les tourments, equilibre comme un chemin sans virage, sans tournant. Tout apparait clairement, harmonie sans le chaos, volcan éteint..."

    (Mon âme pleure)

     

    Sauvé par l'Amour donc, Ali est désormais en mission : rapper la paix plutôt que la guerre, l'amour plutôt que la haine, et c'est tant mieux, à la fois pour le rap français, la France mais aussi et surtout l'Islam tant l'image véhiculée par les médias et singée dans les cités, ne correspond pas à celle vécue dans les coeurs et les mosquées.

    Désormais tourné vers l'Orient de son être, Ali (qui signifie élevé, noble), de son vrai prénom Yacine, entre dans la symbolique véritable de son nom, qui est celle de la 36ème sourate du Coran (Ya sin), désignée par le prophète comme étant le coeur du Coran...

     Même si le fond de l'album est, pour les néophytes, une synthèse du message coranique jusqu'au titre "le rassemblement", qui évoque le Jour du Jugement dernier ; les productions musicales restent variées et s'abreuvent à plusieurs sources et cultures : de l'orgue à un sample dePhilipp Glass, en passant par des sonorités orientales ou asiatiques...un vrai voyage symphonique en perspective.

     

    Ali, un soldat parmi des milliers, un vrai guerrier spirituel, un tsunami en puissance, sans armure autre qu'un coeur poli et lavé de toutes ses scories. Respect !

     

     

    "Je ne suis pas une rareté

    partout l'amour prolifère

    pure essence de l'univers.

    667 au dessus du clan de lucifer"

    (Soleil levant).

     

  • Kery James ou l'équilibre retrouvé


    On s’en fout de tes conditions, on n’a pas les mêmes ambitions
    Tu veux du rap sans opinions, sans prise de position
    Voilà le son de la révolution : conscient, violent mais puissant
    Fais pas le gangster, y suffit pas d’être vulgaire
    On fait du vrai peura…



    Kery James est venu ranimer les cendres du rap français (Je suis venu récupérer le trône ; dites-leur que le fauve est de retour dans la faune), renvoyant dos à dos ceux qui, depuis quelques années déjà, font du rap d’adolescents, encouragés en cela par des maisons de disques aux intentions quelques peu douteuses.

    Avec Kilomaître à la production, on sent, à l’écoute de cet album, qu’il a travaillé d’arrache pied sur ce projet pour arriver à réunir ses deux publics : les puristes du rap des premières heures qui avaient aimé « le combat continue » d’ Idéal J, et ceux plus intéressés par sa conversion à l’Islam qui remonte à cinq ans et son discours de repenti. Ainsi, on ne trouvera qu’une seule référence à l’Islam dans les 17 chansons, qu’il met à l’abri d’hypothétiques comportements violents (et si je deviens violent, l'Islam n'y ai pour rien, ce n'est d^qu'à mes faiblesses).


    Présent depuis plus de 15 ans en tant que MC, Kery n’a jusqu’à maintenant, auprès des publics, qu’un succès d’estime, qu’il compte bien transformer en reconnaissance publique. Des titres comme « banlieusards », « l’impasse », « X&Y » ou « à l’ombre du show business » avec charles Aznavour montrent le regard lucide qu’il porte sur les jeunes de banlieues : il dénonce l’impasse des activités illicites (l’illicite n’est qu’un mirage dans le désert du Ghetto) tant en prônant l’élévation et la valorisation par l’étude et la volonté de réussir là où les anciens (les parents) n’ont pu percer.
    Tout en montrant qu’il reste dans le « game » (c’est le retour du King, comme Ali face à Foreman) pour la place de meilleur MC français (« egotrip », « le combat continue part 3»), Kery James se fait l’un des haut-parleurs de la banlieue ( La banlieue a une voix, je ne suis qu’un de ses hauts-parleurs) et vient rappeler l’ingratitude et l’absence de reconnaissance dont font mine les médias, devant la place qu’a prise le rap au sein de toute une jeunesse de France.

     

    Ce qu’il faudra retenir de l’homme ? Générosité (pas moins de 17 titres à un prix modique), ouverture d’esprit (l’album prend des teintes dancehall, soul, R&B, avec des collaborations de Grand corps malade, Kayna Samet, Chauncey, Black Vner, Dry, Vitaa ou encore J.M Cissoko et Charles Aznavour), effort vers l’objectivité et lucidité (Il ne dénonce ni ne moralise mais énonce les faits avec authenticité), performance artistique (Je rappe hardcore, cru, sans être vulgaire / ça fait 16 ans que je déchire sur le microphone / le constat c’est que Kery James ne rappe comme personne) ainsi qu’un certain sens de l’harmonie. L’album sonne un peu comme un classique du rap français, reste à savoir si la reconnaissance publique suivra.


    Quoi qu’il en soit, c’est une joie pour tout amateur de rap de le retrouver réconcilié avec son coté social plus qu'engagé. Cela montre qu’il n’oublie pas d’où il vient, même s’il lui est arrivé de renier certains actes passés, et donne une touche somme toute plus humaine : celle d’un homme pris dans l ‘étau de ses contradictions et paradoxes (t’imagines pas comme je suis torturé, tiraillé entre deux moi, d’émotions saturé / dans un monde où même l’amour se fait facturer, j’ai du plâtrer ma confiance, j’ai le cœur fracturé...). Cet album n’est qu’un instantané d’un homme au parcours atypique dans le rap français et tout jugement ne peu se faire qu’à l’aune d’un parcours parsemé de doutes, d’embûches, d’échecs ou de réussites ( et même si l’espoir se fane, je continuerai à chanter mes joies, mes larmes, ma vie, ma peau, parce qu’on vient du ghetto…).


    Kery James est de retour avec cet album (à l’ombre du Show Business) qui place la barre très haut artistiquement parlant. Mais 2008 est une année charnière qui voit le retour au premier plan des MC’s de la première heure. Avant les très attendus albums de la Scred Connexion, de Médine (Arabian Panther) et de Rockin Squat (confessions d’un enfant du siècle), les paris restent ouverts à qui remportera la place d’estime revenant au meilleur MC’s français...A suivre, donc.