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Saint Judas, le retour

 Il ne sera point question ici de présenter l’aspect ténébreux de l’apôtre. Les qualificatifs négatifs dont il a été affublé à travers les siècles (félon, traître, assassin…) sont légion et la balance qui pèse son âme, malheureusement, ne penche, en tout cas sur terre, que d’un côté, le mauvais, faute de circonstances atténuantes.

Il ne sera pas question non plus de réhabiliter le Saint homme car, étonnamment, une force contradictoire et révisionnelle est à l’œuvre, depuis quelques décénies, représentant Judas sous un nouveau jour, sous un nouvel angle. Il est à noter que Marie-Madeleine jouit, elle aussi, d’une métamorphose de son image dans la conscience collective. 

Je relaterais donc, pour le lecteur désireux de se faire sa propre opinion, quelques pistes de réflexion.

  Il aura fallu attendre Quelque 2000 ans pour que le procès sans appel du « treizième » apôtre de Jésus soit de nouveau ouvert.C’est Gurdjieff (mort en 1950) qui le premier donna un point de vue intéressant (car différent) sur Judas. Dans son roman fleuve (Belzébuth), à la fin du chapitre sur la religion (p.711), il évoque le rôle salvateur de l’apôtre :  Le Christ sait que son arrestation est imminente, qu’il est destiné à mourir sur la croix, mais n’a pas « eu le temps d’expliquer à ses disciples certaines vérités cosmiques, ni de leur donner les instructions nécessaires pour l’avenir ». Judas se dévoue pour faire diversion et laisser à Jésus le temps nécessaire pour l’accomplissement d’un « mystère sacré » (proche de l’eucharistie actuelle) bien connu des grands initiés, afin de pouvoir rester en contact pendant quelque temps après sa mort avec les disciples (on parlerait aujourd’hui de communication astrale).

Pour Gurdjieff, la représentation de Judas comme traître dans les saintes écritures serait dû à la volonté d’un apôtre de minimiser l’importance de J.C ; en le représentant comme « naïf, imparfait et incapable de pressentir, malgré toutes ces années vécues auprès de Judas, sa future perfidie ».

Et Gurdjieff de rétablir le premier (à ma connaissance) l’importance de Judas : « non seulement le plus fidèle, le plus dévoué et le plus proche de J.C ; mais aussi celui qui, par son intelligence, son ingéniosité et sa présence d’esprit, permirent à Jésus d’accomplir tous les actes dont le résultat alimenta et inspira, pendant de nombreux siècles, le psychisme de la plupart des être humains, et rendit leur existence à peu prêt supportable ».

Où Gurdjieff avait-il puisé ces informations ? Avait-il en sa possession l’évangile de Judas redécouvert par le plus grand des hasards quelque 40 ans après sa mort ?

C’est cette question que se posa également émile Gillabert, un chercheur gnostique lui aussi décédé il y a peu, et à qui l’on doit notamment une transcription lumineuse de l’ « évangile de Thomas ». L’hypothèse qu’il défend est que Didyme jude Thomas, littéralement le « jumeau », n’était autre que Judas lui-même, ce qui l’amenera à écrire un livre entier sur l’identité véritable de ce dernier et le contenu ésotérique de son évangile, qui dénote un caractère hautement initiatique (comme le sera l’évangile de Marie-madeleine).

Puis survint en 2006, à grand renfort d’actions marketing, la sortie de l’ « évangile de Judas ». Ce document n’est pas inédit puisque Saint Irénée, au IIème siècle après J.C, en fait mention dans son livre « contre les hérésies ». Simplement, il est à noter que cet évangile, même s’il est incomplet, failli ne jamais (re)voir le jour, et que sa sortie fut le fruit d’une lutte acharnée de quelques irréductibles pour l’exposer à la vue de tous.

Nous ne discuterons pas ici de son contenu à forte teneur gnostique. L’intérêt, une nouvelle fois, vient de ce qu’il présente la tâche de Judas comme utile et salvatrice : « Jésus dit à Judas : " Tu surpasseras tous les autres, car tu sacrifieras l'homme qui me sert de vêtement ».

Dans un passage significatif du recueil, Judas est le seul, à une question posée au préalable par Jésus à ses disciples (« que celui qui est parfait s’avance vers moi »), à s’avancer vers le Maître, sans toutefois oser le regarder dans les yeux. Il montre, par sa réponse et cet acte, qu’il connaît la nature véritable de Jésus, là où les autres s’interrogent encore, et qu’il est l’initié par excellence car sa (re-) connaissance montre qu’il s’abreuve à la même source que son Maître.

Plus loin, dans un entretien en aparté avec Jésus, ce dernier lui révèle sa destinée future, en lui prédisant de nombreux malheurs et souffrances. Mais au final, il sera élevé pour prix de sa tâche assumée. (Judas demande pour quelle raison, c'est à lui seul que Jésus a parlé. Ce dernier répond qu'il sera le treizième disciple, qu'il sera maudit à travers les générations et qu'il viendra régner sur elles. «Dans les derniers temps, ajoute-t-il, ils maudiront ton ascension vers la génération sainte».)

Cet évangile vient rappeler que Judas est voué à une mission d’ordre cosmique allant à l’encontre des jugements définitifs et préétablis de longue date.

Il présente, en outre, les onze autres disciples comme des être immatures, proche parfois de l’infantilisme et en tout cas complètement débordés et presque innocents face à l’importance de l’événement dramatique qui se trame sous leurs yeux. On retrouve par ailleurs ces deux points de vue dans le roman de Jean Ferniot, paru en 1986.

Dans le foulée, et surfant sur la vague de l’actualité, deux auteurs ont également apportés leur vision du personnage incriminé.  

Gerald Messadié, romancier, a résolument décidé de prendre parti pour Judas dans son dernier livre. Il relate les derniers jours de la vie de Jésus, sa passion, en insistant sur la connivence de longue date existant entre les deux hommes. Il les représente comme deux amis participant à des cérémonies proches de rituels chamaniques, et partageant leur expérience d’un champignon hallucinogène, leur permettant de communier avec les esprits, et notamment l’esprit de Dieu.

La crucifixion est alors décrite comme une transe extatique et mystique vécue par Jésus (à qui l’on a pris soin de donner le fameux breuvage avant son élévation sur la croix), à laquelle Judas, de loin, communie en esprit. Le roman relate donc, entre autre, l’expérience d’une fusion d’un humain avec la divinité, au prix de la transcendance de nombreuses souffrances.

 Jean-Yves Leloup, prêtre orthodoxe à qui l’on doit, en autre, des traductions savantes des évangiles de Jean, Marie-Madeleine, Thomas et Philippe, reste lui ferme sur sa position concernant Judas. Le nouvel évangile découvert ne change en rien son point de vue : Judas est un archétype, comme le sont chaque personnage du nouveau testament. Il représente la figure du disciple déçu et trahi en premier lieu par son Maître, en qui il projetait l’espoir d’une révolution terrestre, l’établissement du royaume de Dieu dans ce monde.

Sa trahison est donc un acte de désespoir mais aussi d’amour non reconnu, qui a aussi sa place dans l’histoire de l’humanité. En tant qu’archétype, Judas est un aspect ombrageux de la personne, non reconnue, non aimée ; sans doute celle qui mérite le plus d’attention et de re-connaissance.

Pourtant, comme le rappelle Jacques Duquesne dans son dernier roman, Il semble que la stupeur et l’incompréhension eût été de mise chez tous les apôtres sans exception, dès le lendemain de la crucifixion.

Il les représente comme s’interrogeant sur l’identité véritable du Christ en se remémorant ses paroles de feu. Bien plus, ils scrutent les écritures en vain, car nulle part il n’est fait mention d’un messie crucifié pour le rachat des péchés du monde. Tous sont donc dans l’expectative et le doute concernant la nature de Jésus, à l’exception de la croyance en sa résurrection, et le fruit de leurs premières réflexions constituera le point de départ du Christianisme et le début de la théologie.

 Voilà les faits, les thèses avancées ici et là, en ce qui concerne le mystère Judas. J’ai à ce sujet également une hypothèse dont CHATMAN est la clé. Il Lui appartient désormais de vous la divulguer ou pas.

 

Pour information, j’ai publié, sous le pseudonyme de Jean-Plume, une courte note intitulée  « le souffle de la Bête », avant la sortie officielle du fameux évangile. Elle me fut inspirée par une courte phrase :

Jésus dit à Judas : " Tu surpassera tous les autres, car tu sacrifieras l'homme qui me sert de vêtement "

Voici la note :

Qu’est-ce à dire ?

une parole à-venir pour le temps du retour

une mise à nu, un dévoilement, un découvrement

le travail d’une vie, d’une non-vie

le choix d’une non-existence

une plongée dans l’abîme, le néant

le pas de la foi, la traversée de la folie, la mort dans la vie

 

  Quelques mois plus tard, une autre note plus explicative venait clarifier ou plutôt donner une direction sur ces propos quelque peu inspirés :

Le Maitre Intérieur

Jésus ne jugeait pas selon la loi des hommes : Son jugement était vrai parce qu'Il ne faisait qu'énoncer la parole de Dieu. De nos jours, cette voie de l'effacement ultime de la personne ne séduit plus personne

L’opinion fait foi et l’on imagine mal se mettre au service de lois qui nous dépassent

L’ego est roi et l’on cultive partout l’expansion de son domaine, jusqu’à autrui.

Combien se targuent d’être vivants tout en méconnaissant le mort qui sommeille en eux...

Une fois celui-ci reconnu, combien lui font réellement honneur en le reconnaissant seul Vivant...

Une fois cette vérité mise à nu, combien comprennent que leur moi n’est qu’illusion, création de main d’hommes...

En vérité, rien ne subsistera que ce qui sera passé de ténèbres en lumière.

 

P.S : Est-il utile de préciser que je crois à La résurrection des corps ?

Bibliographie :

Gurdjieff : récits de Bélzebuth à son petit fils

Emile Gillabert : Judas, traître ou initié

Evangile de Judas

Nouveau testament

G. Messadié : Judas le bien-aimé

Jean-Yves Leloup : Judas, un homme trahi

P.E. Dauzat : Judas, de l’évangile à l’holocauste

Jacques Duquesne : Judas, le deuxième jour

Jean Ferniot : Saint Judas    

 

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